วันอาทิตย์ที่ 2 ธันวาคม พ.ศ. 2550

le poème


On dit souvent que la poésie est intraduisible, et qu'il faut apprendre une langue pour lire un tel poète - Mallarmé, Rilke, Pessoa - Je pose le problème d'un autre point de vue. Dans quelle mesure le poème original n'est-il pas, au départ, une traduction ? En effet quand j'écris et je cherche les mots qui vont composer le poème, ce que je fais est une sorte de traduction d'un texte abstrait, immémorial, dont je connais le sens général, et qu'il me faut mettre dans ma langue. Le résultat, donc, est une transposition de ce texte qui a traversé les âges - et que Mallarmé a essayé de fixer dans son “Livre” - vers ma langue, où il me faut toujours avancer à partir de chaque poème, vers d'autres qui poursuivent ce travail d'écriture de ce qui ne pourra jamais être exprimé dans la page. C'est pour ça que la voix du poète, dans ses lectures, ajoute toujours quelque chose au poème - et nous dit quelque chose qu'on ne trouvera jamais dans une lecture solitaire.

[…]
Et là j'arrive à ce qui me semble être la singularité de l'expression poétique : au-delà d'une musique des mots, elle construit aussi - à un niveau inconscient, probablement, mais pleinement maîtrisé dans la tradition poétique - une musique du sens. C'est cette musique qui subsiste, dans la traduction, et qui permet de garder (même dans la traduction la plus littérale - et je dirais paradoxalement surtout dans la traduction littérale) l'”esprit” de l'original qui permet au lecteur de remonter jusqu'à cet archétype.
Et je reviens à cette image du couloir de mon enfance, que je traverse, comme le poème, pour arriver à ce miroir qui me restitue l'image du monde, d'un côté, et à ces livres qui m'attendent, de l'autre côté. Le poème est un espace de traversée. On n'y reste pas, on ne s'y repose jamais. C'est pour ça qu'il est lié à la condition humaine et à sa destinée d'errance et d'inquiétude, au-delà des miroirs et des livres.
Nuno Júdice, in “Le poème dans le monde”, revue Latitudes, mai 2003